"Mandataire judiciaire à la protection des majeurs et assistant de service social : une coopération à construire"
RFSS n°292
La FNMJI, représentée par Pierre Bouttier (secrétaire-adjoint) a participé à la rédaction de ce numéro.
SOURCE : Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS)
Numéro coordonné par Joran LE GALL et Céline LEMBERT
Les assistantes et assistants de service social peuvent-ils, doivent-ils accompagner des personnes sous mesure de protection ? Si cette question se pose régulièrement aujourd’hui, c’est sans doute que plusieurs malentendus existent concernant les rôles des assistantes et assistants de service social et ceux des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Dans ce numéro, nous vous proposons de clarifier la notion même de mesure de protection juridique en donnant la parole à celles et ceux qui la pratiquent. La mise en avant du travail de partenariat entre les différents protagonistes, guidés ensemble par des valeurs telles que l’intérêt supérieur des personnes accompagnées, est une forme de première réponse à explorer pour sortir des évidences. Cependant, s’il n’existe pas de recette toute faite, c’est sur le « sur-mesure » qu’il faut se pencher, afin de promouvoir les valeurs communes de ces deux professions plutôt que leur interchangeabilité. En somme, un plaidoyer en faveur d’une clinique du « cousu main ».
Éditorial
Au moins huit cent mille personnes sont aujourd’hui sous mesures de protection en France, exercées (pour moitié) par des professionnels, mandataires judiciaires à la protection des majeurs, ou par les familles. Ces mesures sont encadrées par la loi du 5 mars 2007, qui s’est fixé pour objectif double de réduire le nombre de mesures de protection et d’améliorer le droit des personnes vulnérables. Cette loi a renforcé le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) pour répondre notamment à ce deuxième objectif.
Les assistants de service social et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs travaillent régulièrement ensemble auprès des mêmes personnes. L’ordonnance d’une mesure de protection et l’intervention d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne mettent pas fin à l’accompagnement de l’assistant de service social. Il le réorganise.
En raison de l’absence de cadre juridique quant à l’articulation de leurs fonctions respectives, les représentations autour de l’exercice de la profession de chacun ainsi que le chevauchement de leurs compétences conduisent trop souvent à des difficultés à travailler ensemble, au détriment des personnes. Les pratiques observées sont très disparates et souvent liées à la personnalité de chacun, au parcours des professionnels, etc., mais il ne suffit pas d’invoquer les principes de « travail en bonne intelligence » ou « d’intérêt de la personne » pour voir les difficultés résolues. « Travailler ensemble » peut alors s’avérer difficile, parfois même impossible, ce qui laisse les personnes concernées en situation de mal-accompagnement ou même de non-accompagnement, au milieu du gué.
De là est née notre envie à tous les deux d’explorer avec d’autres ce sujet, de comprendre pourquoi et surtout comment les acteurs parviennent à bâtir des ponts singuliers, à tisser des liens interpersonnels et à déconstruire ensemble les évidences, les allants de soi, pour aborder leurs relations d’une façon nouvelle et qui leur soit propre. Aussi avons-nous sollicité différents acteurs afin de mieux comprendre les mesures de protection et ceux qui les exercent, et nous nous réjouissons qu’ils aient été si nombreux à avoir répondu présents.
Dans une première partie sont regroupées les contributions expliquant les fondements des mesures de protection judiciaire concernant les majeurs protégés qui permettent de poser le cadre de leur pratique.
Dans une seconde partie, intitulée « Comment “travailler ensemble” la collaboration entre professionnels ? », les contributions permettent une mise en perspective des pratiques des deux professions en insistant sur leurs fondements réciproques et leurs modalités distinctes.
Enfin, la dernière partie présente des expériences de terrain qui mettent en avant la mise en place de la collaboration entre les professionnels dans l’accompagnement des personnes.
Nous remercions celles et ceux qui ont pris le temps de contribuer à ce numéro pour en faire un outil de réflexions collectives sur les pratiques professionnelles et leurs articulations. Nous espérons que ce numéro contribuera à l’évolution de nos accompagnements mutuels au profit des personnes que nous accompagnons conjointement.
Joran LE GALL et Céline LEMBERT
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POST LinkedIn de Pierre Bouttier (Secrétaire-adjoint de la FNMJI) :
Très heureux d'avoir participé à la revue l' #ANAS qui vient de sortir, au nom de la FNMJI.
L'entrée proposée par Joran LE GALL et Céline LEMBERT (merci à eux) est essentielle : "L'ordonnance d'une mesure de protection et l'intervention d'un #MJPM ne mettent pas fin à l'accompagnement de l'#ASS. Il le réorganise".
Je reproduis ici quelques extraits de mon propos, l'ensemble des contributions est à lire dans une revue qui se commande, l'engagement des associations professionnelles a un prix qu'il est important d'acquitter et produit un savoir qu'il faut diffuser !
"Spécifier les qualités d'un MJPM dans l'exercice des mesures.
Le MJPM est indubitablement un auxiliaire de justice en ce qu’il met en œuvre à titre habituel et principal des décisions judiciaires. Cette qualité est à affirmer en ce qu’elle permet de ne pas occulter les pouvoirs juridiques contraignants que le MJPM détient du seul fait d’un mandat confié par un juge et de son corollaire, un droit d’ingérence dans les affaires privées dans les limites de ses missions. Il ne faut pas dissimuler ces aspects de contrainte et d’intrusion légales, mais au contraire les assumer.
(...) Intervenir auprès de personnes déficientes atteintes de troubles cognitifs ou psychiques et du comportement, atteintes de déficiences, d’addictions ou en précarité sociale nécessite d’ajuster et réinventer dans chaque situation sa posture, son langage, les manières d’exercer une mesure. Cela requiert des compétences de médiation permanente entre la personne et son environnement juridique, économique et social, une approche globale de situation. Ces qualités sont typiques du travail social.
Le MJPM peut dès lors être requalifié d’auxiliaire de justice qui mobilise au quotidien les outils, savoirs et références du travail social. (...)
La collaboration entre ASS et MJPM ne peut être féconde qu’à la condition d’une interconnaissance et d’une interreconnaissance réciproques. Les uns ne se substituent pas aux autres, chacun ayant sa sphère de compétence, non interchangeable, des missions distinctes, qui peuvent se croiser à divers endroits et dans des écosystèmes communs, mais dans une dynamique de complémentarité. Ils se doivent mutuellement une présomption de compétence. (...)
Loin des consignes encore trop souvent données par des directions de collectivités territoriales ou d’établissements, les MJPM ne prennent jamais « le relai » des ASS. C’est nier les qualités de ces derniers et leur formation de considérer que n’importe quel professionnel peut revêtir leurs fonctions. C’est dénier à la personne protégée sa citoyenneté et son aptitude à bénéficier d’un accompagnement social et la discriminer. C’est enfin impensable en dehors de toute délégation formelle de missions.
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